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rien de contraire à ce coup d’œil général. Dans chaque systême particulier, comme dans l’ensemble, nous verrons le mal germer auprès du bien, croître en même proportion, se propager avec une énergie pareille. Je n’ai garde de convenir, avec Bayle, qu’il y ait beaucoup de mal & quelques biens ; je ne vois pas d’un autre côté que les biens surpassent les maux[1]. Je n’avouerai pas même que ce partage inégal soit possible. Les réformateurs du monde prendront ceci pour un défi. Eh bien, tâchons d’accorder leurs idées, travaillons sur leur plan, réformons toute la machine, au gré de leurs desirs indiscrets ; ou corrigeons seulement les défauts grossiers dont ils se plaignent.

  1. Un Philosophe Romancier, dont on respecte assez les ouvrages sérieux, pour ne pas censurer ses amusemens frivoles, & dont on chérit trop l’estime pour s’exposer par cette censure à la perdre ou à ne l’obtenir jamais, fait parler ainsi un de ses Héros :
    « Je m’efforçois de montrer que non seulement il n’y avoit point de mal absolu & général dans le sistême des êtres, mais que même les maux particuliers étoient beaucoup moindres qu’ils ne le semblent au premier coup d’œil, & qu’à tout prendre ils étoient surpassés de beaucoup par les biens particuliers & individuels. La nouvelle Héloise. » Tome V. pag. 196. 197.
    N’en déplaise à Mr. Sr. PREUX, s’il n’y a point de mal absolu & général dans le systême des êtres, qu’il y cherche un bien absolument & généralement tel. Mais s’il n’y en trouve point, d’où sera sorti cet excès de bien sur le mal, qu’il croit y appercevoir ?