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qu’il donna la vie & la forme à ses conceptions éternelles, c’est-à-dire qu’il créa le monde & ses propriétés. Il ne les tira point de lui, ni d’ailleurs. Elles n’étoient nulle part. Il voulut qu’elles fussent : il dit & elles furent.

Or dans ce systême-là même le résultat de la création n’est encore qu’un composé de biens & de maux, avec un équilibre précis des uns & des autres. La puissance créatrice en prenant tout son essor, ne fera jamais rien d’infini. Ses productions ont toujours des bornes, qui sont pour elles une source nécessaire de vice ; & ce vice attaque les essences créées dans toutes leurs qualités & dans tous les dégrés de celles-ci : en sorte qu’il n’en est pas un qui ne porte avec soi sa dose d’imperfection. Ce n’est pas une merveille, que plus ces qualités sont excellentes, plus elles aient de mal comme rivé à leur nature. Je m’étonnerois au contraire qu’il y en eût une seule pure & sans alliage ; car la toute-bonté n’appartient pas au fini. Je serois également surpris que la meilleure ne fût pas la plus défectueuse, puisque chaque dégré d’excellence, de quelque façon qu’on l’entende, est toujours incomplet.

Je ne développerai point ici une preuve qui sera beaucoup plus sensible après quelques momens d’observation. J’en ai dit assez pour