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que de se détruire elle-même. Si pourtant, selon une opinion bizarre, elle distribuoit à ses créatures des portions quelconques de ses attributs, dans la mesure qui leur convient ; ces qualités toutes bonnes dans leur source, s’altéreroient en la quittant, pour passer dans le créé, où étant limitées, les confins en seroient semés d’inconvéniens que nous tenons pour des maux.

Lorsque l’Etre Suprême résolut de revêtir le néant de l’existence, il dut s’attendre à voir cette existence, parfaite dans lui, se détériorer dans les nouveaux Etres que sa main préparoit. Supposé qu’ils dussent exister par une émanation divine, il ne put ignorer que ceux, aux quels il se communiqueroit davantage, seroient infailliblement les plus méchans. Il prévit que l’amour de soi, la liberté, l’intelligence qui, comme des écoulemens de ses perfections infinies, alloient devenir propres du fini créé, y seroient des qualités défectueuses, avec un dégré de vice proportionné à leur bonté intrinséque. Alors non seulement toutes les formes seront nuancées de graces & de défauts, mais il faudra que les plus belles soient les plus vicieuses. L’homme se croit la plus noble des Créatures. Qui oseroit le lui disputer, depuis qu’il a trouvé l’art de se faire de ses foiblesses