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aussi nous attache à nos semblables, & une répugnance naturelle à leur nuire, ménage leurs intérêts dans notre cœur. Quel autre mobile plus fort qu’un plaisir involontaire, étoit plus capable de nous passionner pour eux ? Le plaisir est une particule de ce sentiment délicieux qui réside tout entier dans la divinité, & dont elle a fait part à ses créatures selon le degré qui leur convient. Ici la dose n’en a point été ménagée. Il étoit dans l’ordre que ce qu’il y a de plus noble dans l’homme, je veux dire cette affection universelle, cette complaisance gratuite pour l’espece, fût pour lui la source des plus pures délices.

Qu’on sépare en idée, des sentimens moraux, les impressions plaisantes ou déplaisantes qui les accompagnent nécessairement. Supposons que, sur la simple considération de quelques rapports métaphysiques, nous approuvions tel acte de générosité qu’il vous plaira, sans éprouver le plaisir naturel qui détermine notre approbation dans de pareilles rencontres ; dès-lors cette approbation froide nous laisse dans une parfaite indifférence & pour la personne généreuse & pour celle qui a mérité sa générosité. Jusques-là je ne vois dans la moralité d’une si belle action, qu’une affaire de calcul, une opération algébrique, une combinaison subtile de rapports abstraits, qui