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ne chercheront point à se nuire : chacun se contentera de ce qui lui suffit, sans s’approprier le nécessaire de son voisin. Tous seront libres, & personne ne sera indépendant ; parce que les sentimens moraux fondent des égards mutuels qui se font sentir à une impression agréable, lorsqu’on s’y conforme, à une impression désagréable, lorsqu’on les contredit. Tant qu’ils demeureront fideles aux mouvemens de la bienveillance naturelle, elle sera leur vertu, leur sureté & leur bonheur. Je me plais à rapporter l’origine de cette communauté naissante, au sixieme sens comme les arts sont les enfans des cinq autres.

Le désordre ne naîtra que du mépris des sentimens moraux, lorsque la diversité des inclinations, des forces, de la beauté, de l’industrie, mettra de la variété entre les occupations des hommes & de la distinction entre eux, lorsque cette inégalité naissante fera éclore les passions du sein de l’amour propre, & que les individus donnant plus à celles-ci qu’à l’instinct moral, se refuseront à son impulsion pour se livrer à d’autres appetits au-delà de l’exigence naturelle.

Mais celui, qui jetta les premiers fondemens de la société politique, ne fut point un sauvage robuste qui ayant enclos un terrain, s’écria avec férocité : ceci est à moi, qu’on se