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se goûte, il se fera pourtant sentir par un sens différent des autres, infiniment plus subtil, plus noble, plus parfait, & peut-être tout-à-fait intérieur ; l’on n’en pourra jamais conclure autre chose, sinon que le sens moral n’est ni le tact, ni le goût, ni l’ouie, ni l’odorat, ni la vue, d’autant que son objet n’est ni palpable, ni savoureux, ni sonore, ni odorant, ni visible ; & malgré tout cela le moral sera une modalité sensible, & aussi sensible que le doux & l’amer, que le blanc & le noir, etc.

De plus ce point essentiel me paroît désormais tout-à-fait décidé. L’on a très-bien prouvé que les distinctions morales ne sont pas du ressort de l’entendement, qu’elles ne sont pas des appréhensions purement intellectuelles, mais qu’elles sont déterminées uniquement par le sentiment. Je souhaiterois que le lecteur eût bien lu & médité les deux auteurs anglois que j’ai nommés ci-dessus, sans quoi ce petit traité, qui est comme la suite de leurs recherches, ne lui paroîtra qu’un paradoxe perpétuel. Qu’il se rappelle du moins qu’une action ou qualité vertueuse est celle qui excite immédiatement un sentiment de plaisir & d’approbation dans ceux qui en sont témoins, & qu’une action ou qualité vicieuse