Page:De La Nature.djvu/378

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tous les sens sont des especes de tact. La vision est le nerf optique touché par un pinceau de lumiere, l’odorat les fibres olfactives ébranlées par les substances odoriferes, l’ouie le nerf acoustique frappé par les ondulations de l’air, le goût le chatouillement ou l’irritation des papilles nerveuses éparses sur la langue, dans le palais, & dans tout l’intérieur de la bouche, etc. Je parle de la sensation considérée dans son organe : dans l’ame, c’est la perception des couleurs, des saveurs, des sons, des odeurs, de la dureté & de la molesse des corps, du chaud & du froid. Il est toujours vrai que toutes les sensations ne sont que des modifications du toucher. Le toucher, à mesure qu’il se subtilise & se perfectionne, devient la base de sensations plus parfaites. Quel risque de le supposer à un tel degré de finesse qu’il puisse occasionner dans l’ame un sentiment moral ? Rien ne nous porte à présumer que l’analogie de la nature, soutenue dans les autres sens, se démente pour celui-ci seulement. La similitude des opérations nous force au contraire à reconnoître l’uniformité de ses loix.

À la vue d’un objet nous en percevons immédiatement la couleur. À la présence d’une action nous en percevons immédiatement aussi la moralité. Il est légitime d’en inférer que l’une agit sur notre ame comme l’autre,