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spectateur d’une scene mêlée de vice & de vertu : c’est un fils ingrat envers un pere généreux. Sans aucun raisonnement présupposé, je distingue le bien du mal. L’un emporte mon approbation, l’autre est blâmé.

Mon ame ne s’en tient point à des spéculations froides. Le cœur bienfaisant m’affecte d’amour & de compassion : l’ingrat éprouve toute mon indignation.

Le sens moral qui nous fait toucher, pour ainsi dire, le bon & le mauvais des actions humaines, comparé au tact qui nous fait juger du poli & de l’inégalité des surfaces, de la dureté & de la molesse des masses, en soutient également bien le parallele. La texture des parties d’un corps doit être du ressort de notre tact, c’est-à-dire, proportionnée à son degré de finesse : autrement les nuances trop subtiles lui échapperoient. La peau la plus lisse & la plus douce au toucher est encore sillonnée, mais nous n’avons pas le tact assez délié pour nous en appercevoir. D’où je conclus que puisque le tact moral nous fait sentir la malice & la bonté des actions & des caracteres, le bien & le mal sont dans l’ordre de ce sens qui en fait passer la perception dans l’ame.

Au reste tous les sens se ressemblent dans la maniere dont ils operent ; ils agissent tous sur l’ame par une méthode uniforme. Les