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nuisible ou désagréable, soit aux autres, soit à nous-mêmes, étoit reputée vicieuse & blâmée par une pente aussi involontaire. C’est-à-dire, qu’il a reconnu que l’utilité & l’agrément réels & bien-entendus sont la raison de l’approbation forcée que nous donnons à certaines qualités & actions, & que leurs contraires sont la raison suffisante de l’idée de vice que nous attachons nécessairement à d’autres qualités & actions. Si celui qui façonna nos organes intérieurs devoit nous donner du goût pour certains rapports & du dégoût pour d’autres, il convenoit que le goût fût pour l’utile & l’agréable, & notre dégoût pour leurs contraires, puisqu’il devoit en résulter un sentiment de bienveillance, la seule mesure de l’approbation & du blâme.

Une chose est utile & agréable indépendamment de notre goût ; mais jusques-là elle n’a point de moralité. Qu’un homme sauve la vie à un autre, par hazard ou par tout autre principe qu’un motif d’affection ; son action, quelque utile qu’elle soit, n’a aucune bonté morale. Elle en aura dès lors qu’elle sera le fruit d’un cœur bienfaisant. En un mot, notre goût tombe toujours sur l’utile & l’agréable, non en vue d’aucun intérêt, mais par une disposition physique, souvent contraire à l’intérêt de l’amour-propre & des passions.

CHAPITRE IV