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La voye de l’instinct est promte, facile, infaillible : elle ne présuppose ni idée, ni connoissance, ni raisonnement. Aussi le créateur n’a pas voulu confier à notre raison le soin de notre conservation. Il l’a confié à nos sens, trouvant dans la fidélité de leurs opérations une plus grande sûreté que dans les caprices de l’autre : d’autant que la réflexion est bien plus lente que le mouvement machinal précipité par le sentiment. Si, quand je me brûle, remarque Abadie, il falloit avant de retirer le bras ou la main, connoître la nature du mal que je ressens, examiner par quelle route j’enverrai les esprits animaux dans les nerfs qu’ils doivent remuer, quel est le degré précis de mouvement qu’il faut imprimer pour l’effet que j’en attends, on sent que je serois déjà bien brûlé avant d’avoir fait la moindre partie de ces choses qui toutes s’exécutent promptement à l’insçu de ma raison. On auroit lieu de s’étonner que dans le choix de deux moyens capables de nous conduire à la vertu, l’être souverain se fût servi du moins propre à son dessein ; que pouvant nous faire appercevoir tout d’un coup les distinctions morales par un sentiment vif & immédiat, il en eût attaché la connoissance à l’exercice pénible des facultés de l’esprit.

CHAPITRE III