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La raison est une lumiere qui éclaire les esprits ; or les enfans & les ignorans ne sont point éclairés. Voyent-ils la difformité de telle action, de tel désir dans des relations qu’ils ignorent ? Il y a donc un autre principe qui préside aux mouvemens de leur ame, qui n’a rien de commun avec l’esprit. C’est la voix d’un sentiment intime qui a droit de faire des distinctions morales. Ils sont mus secretement à discerner le bien & le mal, à approuver l’un, à blâmer l’autre. Le plus subtil métaphysicien me montrera-t-il autre chose dans ce blâme & cette approbation, que l’action puissante d’un instinct involontaire ?

Faudra-t-il donc être un raisonneur profond pour pouvoir devenir vertueux ? Ne sera-ce qu’à la suite d’une longue chaîne d’argumens déliés que nous trouverons la notion du bien & du mal ? La regle de nos actions doit être dans nous, s’expliquer d’elle-même & sans interprete. Elle doit être universelle, immuable. Où sont ces caracteres, sinon dans un instinct uniforme, commun à tous les hommes, le même dans tous ? Sa voix est éclatante : ses oracles ne sont point obscurs. Qui l’écoute, l’entend & le comprend. Il parle à tous les cœurs un même langage, & prescrit dans tous les tems une même loi. Il est la mesure vivante de la justice. Rien n’est bon que par lui.