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chose de séduisant au premier abord. Mallebranche, Clarke, Wollaston, Montesquieu en ont fait la base de leur morale. Je me suis égaré quelque tems à leur suite : ce n’a été qu’à la faveur d’une lumiere moins confuse que celle qu’ils m’offroient, que je me suis échappé des routes tortueuses où ils m’avoient engagé. Je voyois bien par-tout des rapports constans, nécessaires, immuables ; mais je n’en découvrois pas la moralité supposée. J’interrogeois ma raison, elle devoit me l’indiquer : on me l’avoit promis. Ses opérations étoient si lentes, si compliquées, si abstraites, que je m’étonnois que la nature pût nous conduire à la vertu par une voye tellement embarrassée. Quand je lui demandois plus particuliérement en quoi consistoit le mérite réel de nos actions & leur démérite moral, elle me parloit alors d’une conformité abstraite avec l’ordre & la raison universelle, sur quoi elle fondoit tout le moral de la conduite des hommes. Métaphysique bien peu à la portée du vulgaire.

Mais il m’arrive souvent, disois-je, d’approuver ou de blâmer par une impulsion involontaire, avant de m’être fait des notions bien nettes de l’ordre, avant d’avoir examiné, pesé, combiné, comparé avec cette regle, les actions que je dis blâmables ou dignes de louange. Ici ma raison