Les plus sages d’entre les hommes n’ont jamais qu’une portion de prudence. Leurs volontés se succédent, se heurtent, se détruisent. Ils veulent aujourd’hui ce qu’ils ne vouloient pas hier : ils ont acquis de nouvelles connoissances, ils sentent que leurs projets ont besoin de réforme, ils les corrigent, ils les perfectionnent.
On convient en gros que l’être infini n’est sujet à rien de pareil ; & quand on vient au détail, on lui suppose la même succession d’idées & de volitions. Avant que l’univers fût, Dieu pouvoit bien peut-être le remplir d’essences plus ou moins parfaites. Mais à présent qu’il est tel, ses volontés étant à jamais immuables, il ne peut rien changer à l’ordre établi. Cela au reste n’ôte rien à sa toute-puissance. Tout-puissant qu’il est, il ne peut pas avoir deux volontés contraires : l’une par laquelle il veuille que les essences aient tant de bonté précise : l’autre par laquelle il veuille qu’elles en aient davantage ou moins.