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ne sont pas infinies. Mais des essences créées ne peuvent pas être infinies : me voilà donc forcé de conclure qu’il est aussi impossible à dieu de supprimer les erreurs de l’entendement & les vices de la volonté que d’ôter entiérement les bornes de ces facultés. Qu’il recule, tant qu’il voudra, les limites du fini, au moins ne sera-ce jamais jusqu’à le rendre infini. Y a-t-il un milieu entre une intelligence essentiellement sujette à se tromper & une intelligence essentiellement infaillible ? Non sans-doute. Il n’y en a pas davantage entre une volonté absolument droite de sa nature ; & une volonté nécessairement capable d’injustice. Ces facultés dans l’homme seroient donc infinies, si elles n’etoient pas défectueuses. Une intelligence infaillible à quelqu’objet qu’on l’appliquât, seroit une intelligence sans bornes. De même une volonté absolument droite, qui ne pourroit vouloir que le bien dans quelque circonstance qu’elle fût placée, ne différeroit pas en rectitude de la volonté divine, & seroit en ce point tout aussi infinie qu’elle.

La question, ainsi dégagée de toute équivoque & réduite à ses derniers termes, pourroit s’énoncer en cette maniere. Dieu peut-il créer un ordre de choses tout-bon, un entendement tout-infaillible, une volonté toute-droite ? Personne n’osera répondre affirmativement.