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de toute nécessité d’apprendre à parler afin d’indiquer nos besoins, nos desirs & nos fantaisies. L’expression naïve des cris n’est à la mode que chez les sauvages. On fait tout pour nous contraindre à les étouffer. Nouvelle obligation de savoir vîte nous exprimer par des articulations forcées. Si donc les mêmes sons frappent sans cesse nos oreilles, nous serons plus portés à les imiter, & à y attacher les significations que nous suggérera la présence des objets. Ces premieres expressions, les plus nécessaires pour l’usage, sont les plus communes & justement celles qui font l’entretien ordinaire des femmes & des jeunes filles que l’on met auprès de nous. C’est à bon droit que la nature a voulu que les conversations des femmes roulassent toujours sur les mêmes objets, les plus simples & les plus ordinaires. Son dessein est de nous familiariser bientôt avec eux, de nous apprendre à les connoître & à les nommer dans le besoin.

Supposons que les femmes eussent le même goût pour des sujets plus relevés, plus compliqués, moins communs. Dès lors leur entretien ne seroit plus proportionné à la foiblesse des enfans dont le cerveau tendre n’est pas capable d’un travail pénible. Il faut que la simplicité des idées qu’on lui offre pour