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que la nature a avantagé les femmes du côté de la langue ; & qu’au lieu de multiplier en elles cet organe, ce qu’elle pouvoit avec autant de facilité qu’elle a doublé ceux de la vue & de l’ouie, elle lui a donné une habileté merveilleuse. Accoutumé à réfléchir sur tout, j’ai recherché sur quoi ce privilege étoit fondé : je n’ai pas eu de peine à l’appercevoir. Les femmes destinées à peupler la société, sont chargées de notre enfance. C’est dans leur compagnie seule que nous passons nos premieres années. À mesure que notre corps s’accroît, elles doivent tâcher d’aider notre esprit à se développer de même, c’est-à-dire, à acquérir des idées : car on conçoit que la sphere de l’esprit ne s’aggrandit que par le nombre des idées ; & que nous n’acquérons d’idées que par l’exercice de nos sens, surtout de la vue & de l’ouie. Me contesterez-vous à présent que le babil des nourrices & des gouvernantes d’enfans n’exerce nos jeunes oreilles, & ne grave dans notre cerveau débile beaucoup de traces idéales qui ne s’y imprimeroient pas sans ce secours. C’est donc pour nous apprendre à penser de bonne-heure, pour exciter notre imagination enfantine, que la nature prévoyante a donné tant de caquet aux femmes.