Page:De La Nature.djvu/181

Cette page n’a pas encore été corrigée

montroit à tous les monarques du monde le vrai prix de la grandeur, & les invitoit à en faire un si noble usage. Cependant elle amenoit la cruauté des tyrans ; elle en étoit le présage & la mesure.

Sous l’empire de ces monstres détestables, la bonté ou la puissance de faire le bien qui réside dans la volonté humaine, fatiguée par les actes multipliés de vertu, qui avoient illustré les âges précédens, se reposoit : la puissance contraire exerçoit à son tour sa malignité. L’adulation avilissoit toutes les ames. Le nom de la vertu étoit odieux : il falloit ou mourir ou être indigne de vivre.

Les empereurs romains, qui ne furent ni aussi bons que les Antonins, ni aussi méchans que Tibère, participerent aux deux excès, sans se livrer à aucun. Ils firent à peu près autant de bien que de mal. Leur regne fut un tissu de bonnes & de mauvaises actions, parce que l’humanité a dans son essence finie un principe égal des unes & des autres.

L’égalité de ces deux penchans une fois reconnue, on ne conçoit pas que dans la totalité l’un puisse toujours prédominer. Il est vrai, & je l’ai déjà observé, que par le concours des circonstances, l’activité de l’un croîtra quelque part aux dépens de l’autre ;