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s’accrut bien davantage lorsqu’il y eut deux femmes & que l’une put dire : je suis plus belle que vous.

Les passions resterent toutefois dans une sorte d’enfance, jusqu’à un certain accroissement de la société. Alors l’amour-propre prit mille formes dissemblables : l’on vit éclore avec la distinction des rangs, l’ambition des honneurs, la soif de l’or, le desir de dominer, l’orgueil au front d’airain, l’adulation rampante, l’envie couronnée de serpens, la jalousie au regard louche, la chicane & la fourberie, monstres horribles qui venoient remplir le monde social d’autant de maux, que la bienveillance naturelle devoit y produire de biens, sous les noms sacrés de prudence, de sagesse, d’équité, de générosité, etc. Peut-être l’humanité n’a-t-elle pas éprouvé toutes les especes de passions : il se peut que la sensibilité physique, l’instinct qui nous fait ressentir le plaisir & la douleur, n’ait pas été appliquée à tous les objets capables de l’affecter. L’invention des arts & des sciences a occasionné une foule de sensations nouvelles agréables & désagréables, inconnues aux sauvages grossiers. Ne nous imaginons pas avoir épuisé la sphere des objets capables de nous passionner, & que la sensibilité totale de la nature ait déjà existé sous toutes