Page:De La Nature.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il y a de passions dans l’homme.

C’est un foible universel, de juger par amour & par haine. Nous en sommes si convaincus que nous n’avons jamais de foi au jugement d’un homme, dès que nous avons le moindre sujet de le supposer passionné dans l’affaire sur laquelle il donne son avis. Je n’expliquerai point comment le cœur maîtrise l’esprit, comment celui-ci est troublé du désordre des sens, comment les divers mouvemens de la passion forment une chaîne où l’esprit detenu captif, subit le joug qu’elle lui impose. C’est une vérité de fait que chacun peut se démontrer à soi-même. La passion falsifie tellement les idées, que lorsqu’elle n’est plus, la vérité a encore bien de la peine à percer. L’esprit a été si vivement frappé, que l’impression subsiste longtems après la cause qui l’affecta. Il ne juge jamais que sur les idées qui lui sont offertes, & la passion est un sophiste adroit qui lui cache tout ce qui la condamne, qui lui présente dans un jour séduisant ce qu’elle veut lui faire goûter ; elle l’emporte par la rapidité du sentiment, sorte d’éloquence la plus véhémente. Elle s’accroît de la résistance que la raison lui oppose : elle en est irritée & non affoiblie. Le mensonge cent fois découvert, elle a mille raisonnemens pour l’autoriser de nouveau ; & triomphant de l’esprit