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les bornes de l’esprit humain qui doit se laisser préoccuper par des instructions erronnées, par une éloquence captieuse & toutes sortes de sophismes ; qui doit donner au témoignage des sens plus d’étendue qu’il n’en a réellement, juger par lui des grandeurs & des distances réelles des objets, ou de ce que les objets sont en eux-mêmes, quoique les sens ne nous ayent été accordés que pour apprécier les rapports des choses avec la portion de matiere qui nous est appropriée & les impressions que nous devons en attendre ; qui cédant à la force de l’imagination, se forge de nouvelles idées, bâtit des hypotheses, y adapte ses anciennes opinions, & forme de tout cela des hérésies dans la tête du théologien & des systemes dans celle du philosophe : les savans s’entêtent pour rien ; tout chez eux monté au ton de leur imagination, s’y allie d’une maniere si intime, si tenace, qu’il n’en peut plus être détaché : l’opiniâtreté de quelques-uns va jusqu’à prétendre nous entraîner dans leur secte, nous faisant violence sur la chose du monde la plus libre, la plus indépendante, la plus à nous, savoir nos pensées.

Les préjugés de la passion sont une quatrieme source d’erreur : cette source générale se divise en autant de ruisseaux particuliers