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irrésistible l’entraîne & le contraint de donner son consentement. Voilà tout le fond de l’évidence. Le reste n’est que préjugé, vraisemblance, probabilité, opinion. Un homme qui n’affirmeroit d’après ses sensations que ce qu’elles disent précisément ; qui ne jugeroit que sur des idées claires, lorsqu’il en percevroit la convenance ou la disconvenance, soit par une simple appréhension, s’il ne s’agit que de deux idées, soit par un raisonnement lié & suivi, quand il y a une complication de rapports ; cet homme, dis-je, ne se tromperoit jamais.

Or la pratique constante de cette régle d’infaillibilité demande une circonspection gênante dont l’esprit humain n’est pas capable. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à se rappeller les causes qui concourent à précipiter ses jugemens ; toutes causes naturelles, puisqu’elles naissent avec lui & dans lui, & que la nature elle-même l’a soumis à leur influence.

Je rapporte toutes les sources de nos erreurs à nos faux préjugés. Car le préjugé, en tant que préjugé seulement, ne conclut rien ni pour ni contre une opinion : il nous transmet la vérité comme l’erreur. Nous passons tous par cet âge de foiblesse où l’on reçoit le vrai & le faux sans examen, sans preuves, sans raison. L’enfant croit ingénuement ce qu’on lui donne à croire. Qu’on