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les âges d’ignorance. Ses foibles mouvemens sont comme les inquiétudes d’un sommeil interrompu, lorsque le corps se tourne & s’agite machinalement. Aussi l’on ne voit guere alors que des commentateurs ténébreux & prolixes, qui défigurent les ouvrages des bons auteurs du siecle précédent : comme les rêves de la nuit ne sont ordinairement que des images confuses, tronquées, & tout-à-fait informes des impressions de la veille. Cependant le réveil vient & il ressemble assez à celui d’un paresseux qui se frotte les yeux, ouvre lentement la paupiere, étend les bras, & ne se leve qu’après avoir longtems disputé, dit-on, avec les oreillers.

Tant que l’esprit assoupi ne pense point, il n’avance pas aussi dans la recherche de la vérité, & il s’épargne une foule de méprises qui doivent marquer chaque pas qu’il fera vers elle. Elle est en effet entourée d’un grand nombre d’erreurs qui l’approchent de très-près. C’est la tâche de l’esprit de les épuiser toutes pour l’atteindre, & quelquefois encore de revenir de la vérité aux erreurs. Il semble que je devrois conclure delà que, si l’on mettoit d’un côté tout le faux qui a été soutenu & applaudi dans un siecle, & de l’autre tout le vrai qui a été découvert & reconnu dans le même période de tems, la somme des erreurs passeroit de beaucoup celle des