Page:De La Nature.djvu/158

Cette page n’a pas encore été corrigée

Entendement humain. Erreur & vérité.

Quand on lit sans méditer, l’on s’extasie presque à la vue des grandes découvertes, qui ont été faites dans le vaste pays des sciences. Quiconque néanmoins prendra la peine de comparer les efforts du génie à ses progrès réels, sentira d’abord que l’homme est moins savant par les connoissances qu’il possede, qu’ignorant par celles qu’il tâche envain d’acquérir.

Une pente singuliere l’entraîne aux excès. Il veut tout savoir, ou tout ignorer. Lorsque Bayle tempéroit par un scepticisme outré le ton dogmatique des théologiens de son tems ; l’on vit la haine pour l’erreur faire avancer des opinions absurdes, & l’amour du vrai faire nier toutes les vérités.

L’histoire de l’esprit humain offre une alternative continuelle de siecles savans & d’âges obscurs. Les uns préparent les autres ; car l’esprit a besoin de repos, & son repos est suivi du réveil. Le renouvellement des sciences & leur décadence n’ont rien de plus étrange pour moi, que la veille & le sommeil de l’animal. L’esprit me semble dormir pendant