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nautonnier, & lui préparer une maison flottante ; la mer s’affermir sous ses pieds ; les vents enchaînés à ses voiles le conduire dans un nouveau monde. Graces à cette invention hardie, l’univers est une seule & grande famille, dont les freres se communiquent avec aisance, & s’envoyent réciproquement les productions de leurs climats, leurs vices & leurs richesses.

Par combien de malheurs l’or du Pérou, est-il parvenu jusqu’à nous ? La destruction de deux nations & la décadence d’une troisieme, sont, pour ainsi dire, les véhicules qui nous l’ont apporté. Ne valoit-il pas mieux qu’il restât dans les entrailles de la terre ? Avec de la terre & du fer le suisse vit à son aise. Avec des vaisseaux & de l’or l’espagnol pourroit mourir de faim, si ses voisins ne faisoient pour lui la récolte.

Le commerce a poli des nations barbares. Rien n’est plus propre à apprivoiser les hommes, que la communication. Elle adoucit jusqu’à la férocité des animaux. Le commerce aussi ramene les peuples policés vers la barbarie. Car j’appelle de ce nom la mauvaise-foi dont les carthaginois firent l’apprentissage en commerçant avec les étrangers, & qui les porta aux plus horribles excès : la débauche qui avilit Lisbonne lorsqu’elle étoit, & qui respire encore au milieu de ses ruines ;