Page:De La Nature.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée

au-delà de l’exigence naturelle, mais qui crée de nouvelles commodités, qui découvre de nouvelles sources de bonheur, & fait couler les anciennes avec plus d’abondance. Je prétends encore que l’avantage qu’il en retire, vaut à peine le mauvais usage qu’il en fait. Que gagne-t-il à se forger des besoins imaginaires, pour les contenter voluptueusement ? Quelle noble manie d’empoisonner les plaisirs de la nature, pour leur en substituer de plus raffinés ! Les subtiles inventions de la volupté donnent naissance à une foule de petites passions qui le rongent, comme une fourmilliere d’insectes succe la seve d’un arbre.

L’art de bâtir des maisons & des villes a-t-il précédé de loin celui de les détruire ? Quand l’art de guérir aura-t-il sauvé la cent-millieme partie des citoyens que l’art de tuer enleve tous les jours à l’état ?

Les arts de luxe & d’agrément, qui font la splendeur d’un royaume, en préparent la chûte. Malheur à celui qui les verroit au point où ils étoient à Rome, lorsqu’elle tomba. Ils donnent des délices & ôtent les mœurs. Il est vrai qu’ils banissent l’oisiveté de chez le peuple qui s’en occupe, mais ils entretiennent la lâcheté des grands qui en jouissent. Les modes, ces petits systêmes de goût & de vanité, ont sur-tout l’inconvénient de rétrécir