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la vue ne lui est jamais importune. Les jours de fête, les sons inégaux du haut-bois lui suffisent : une danse rustique l’amuse. Quelle paysanne alors ne met pas de la vanité, de la complaisance, & une sorte de délicatesse dans son ajustement simple & propre ? Les gens de la campagne n’ont donc ni peines, ni disgraces, ni inquiétudes ? Vous vous trompez encore. Un seigneur vexe ses fermiers, & en exige tout avec trop de rigueur : ils payent encore des impositions ; & la dureté de la perception leur rappelle que la nature compense tout.

La médiocrité d’or, si vantée, si digne de l’être, a ses peines en raison de ses avantages. Le citoyen sans ambition jouit de sa fortune modique : le sage content du leger héritage qu’il reçut de ses ayeux, craint de le voir aggrandi. Ils ne sont point à l’abri de l’indigence ; mais ils savent la souffrir quand elle vient. Ils trouvent autant de satisfaction à réprimer leurs desirs, que les autres en mettent à s’y livrer. Par cette guerre continuelle qu’ils se font à eux-mêmes, ils obtiennent la paix & la santé. Le prix de la médiocrité, c’est de n’avoir que les plaisirs & les foiblesses nécessaires de l’humanité. Qu’il en coûte pour figurer dans le monde ! On ne paye après tout les commodités de l’aisance, le brillant du faste, le crédit & l’estime,