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PRÉFACE



Avoir les erreurs générales qui ont cours parmi les hommes, il paroît que le Sage doit autant ou plus se défier des opinions communes que des sentiments les plus singuliers. Cela me rassure sur quelques idées particulières semées dans cet Ouvrage. Ce n’est pas au reste que j’aie prétendu dire du neuf  : le monde est trop vieux pour rien apprendre ; & je suis venu trop tard pour oser rien tenter de pareil. J’ai tâché plutôt de faire usage des réflexions d’autrui ; de les accommoder à ma façon de penser, quand je les y ai trouvées conformes, sans croire moins bonnes celles qui me contredisaient. Il seroit réellement bien singulier que j’eusse lu & médité de bons Auteurs sans en profiter. Je ne leur ferai pas cet outrage : au contraire j’ai du plaisir à reconnaître les obligations que je leur ai. Et pourrais-je mieux les reconnaître que d’ajouter à leurs recherches ?

Plusieurs ont dit que tout étoit bien  : quelques-uns que tout étoit mal : d’autres qu’il y avoit plus de bien que de mal  : d’autres encore qu’il y avoit plus de mal que de bien. Moi, j’ai vu partout une dose égale de l’un & de l’autre. J’ai réfléchi sur cet équilibre ; & il m’a paru d’une nécessité absolue.