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la chouette et la colombe.

si je vous ai épousé, à coup sûr ce n’est pas pour vos beaux yeux.

ganachini.

J’avais cru… pourtant… ma belle.

violentine.

Taisons-nous !… ce que je veux maintenant, c’est que vous vous occupiez du bonheur de mon frère le prince Dromadairos.

ganachini.

Qu’est-ce qu’il demande ?

violentine.

Rien.

ganachini.

Accordé.

violentine.

Mais depuis quelque temps il est triste, mélancolique, il bégaie deux fois plus qu’à l’ordinaire.

ganachini.

C’est vrai qu’il lui faut un quart d’heure pour dire : Comment vous portez-vous ? De plus, il est borgne, bossu, boiteux… enfin, c’est une justice à lui rendre, il est horrible !… Mais ça ne vous empêche pas de l’aimer, de le gâter même.

violentine.

C’est possible, j’aime les monstres, moi… j’ai toujours eu un faible pour les monstres.

ganachini.

Je ne sais pas pourquoi vous me regardez en disant cela.

violentine.

Écoutez : je crois que ce qui manque à mon frère, c’est une épouse il faut rassembler toutes les jeunes filles nobles de vos états, et mon frère choisira parmi les plus jolies.

ganachini.

Une jolie fille !… alors, ça n’ira pas du tout, il y aura incompatibilité de physique.

Air de l’Écu de six Francs.

Votre frère ayant une bosse,
Madame, je croyais, ici,
Qu’il fallait, pour faire une noce,
Que sa femme en eût une aussi (bis.)

violentine.

Ah ! vous nous en dites de belles :
Tous deux bossus, quel contre-sens !
Vous voulez donc, qu’au lieu d’enfans
Ils fassent des polichinelles ?

ganachini.

C’est juste ! passe encore s’ils se mariaient dans les jours gras. Mais une autre observation !

violentine.

Vous en faites beaucoup aujourd’hui. Eh bien ?

ganachini.

Si la jeune fille que choisira Dromadairos ne voulait pas de lui ?

violentine.

Est-ce qu’on n’accepte pas toujours un homme qui fait notre fortune ?… est-ce que je ne vous ai pas épousé, vous ?…

ganachini.

Vous raisonnez comme Mathieu Lænsberg !… Mais pourtant…

violentine.

Ah ! voilà trop de réflexions !… On vient !… Silence !…

SCÈNE VI.

Les Mêmes, BOURIQUET.
bouriquet, entrant en riant.

Air du vaudeville des Fleurs.
Ah ! c’est trop drôle, trop plaisant !
Je n’ai vu de ma vie
Une telle folie !
Ah ! c’est trop drôle, trop plaisant !
C’est un tableau bien amusant.

violentine.

Mais voyez un peu cette buse,
Qui vient ici nous rire au nez !

ganachini.

Dis-nous au moins ce qui t’amuse.

bouriquet.

Eh bien ! puisque vous l’ordonnez.
Il va pour parler et se met à rire.
Ah ! c’est trop drôle, etc.

violentine.

Bouriquet, vous me manquez de respect !… (Elle veut lui donner un soufflet, il passe derrière Ganachini, qui le reçoit.) Ça vous apprendra à me rire au nez.

ganachini, se tenant la joue.

Oui, ça m’apprendra… à nous rire au nez !

bouriquet.

Pardon… c’est que je viens de rencontrer votre frère Dromadairos avec ce singe que vous lui avez donné et qu’il aime tant… vous savez, Gogo qu’il habille quelquefois comme une poupée, avec des dentelles, des cachemires, de la batiste ?

ganachini.

C’est vrai. Dernièrement il avait mis son singe en batiste.

violentine.

Et qu’y a-t-il de plaisant dans cette rencontre ?

bouriquet.

C’est que le seigneur Dromadairos s’est placé dans une petite voiture, et il se fait rouler par Gogo dans tout le palais.

ganachini.

Il se fait rouler, ce cher beau-frère… il était digne d’inventer les omnibus !

bouriquet.

Tenez, le voici !

Reprise de l’air.

Ah ! c’est trop drôle, etc.

SCÈNE VII.

Les Mêmes, DROMADAIROS, GOGO.
Dromadairos, qui est bossu, borgne et horrible, a un costume riche et burlesque ; il est assis dans une brouette qui est poussée par un singe qui fait le tour du théâtre avant de s’arrêter. Ganachini va se remettre sur son trône.
violentine.

Pas si vite, Gogo, pas si vite. Il va étourdir le prince !