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magasin théatral

SCÈNE IV.

Les Mêmes, BOURIQUET, puis VIOLENTINE.
Bouriquet paraît en costume d’écuyer, un tablier devant lui et tenant une casserole et une cuillère à la main.
ganachini.

Bouriquet, avancez un peu devant votre prince : je suis très-mécontent, Bouriquet ; votre service se néglige. Qu’est-ce que tu fais-là ?

bouriquet.

C’est une nouvelle sauce.

ganachini.

Voyons ça… (Il goûte.) C’est pas mauvais… mais il manque quelque chose ; tu n’as pas assez battu… (Il prend la casserole.) Tiens, vois-tu ? tu tournes, tu tournes… toujours dans le même sens. Vois-tu, ça commence à prendre ?

violentine, en dehors.

Mon mari ! où est mon mari ?… je veux lui parler.

ganachini, tremblant.

Ah ! mon Dieu ! c’est la voix de ma femme !… la princesse semble en colère. Tiens, Bouriquet, reprends ça. (il lui donne la casserole) qu’on ne voie pas à quoi je m’occupais… Ah ! et ma serviette ! Mon épouse prétend que je mange trop ; elle m’appelle ventru.

bouriquet.

Est-ce que vous n’êtes pas le maître ?

ganachini.

Si, si, je sais très-bien que je suis le maître ; mais ma femme est étonnante, elle ne veut pas être la maîtresse.

bouriquet.

Ah ! bah !

ganachini.

Non ; elle prétend être le maître aussi… Chut, la voici.

violentine.
Air : Flic, flac.

Flic, flac, (bis.)
Dès qu’à l’improviste
Je forme un désir,
On doit aussitôt l’accomplir.
Flic, flac, (bis.)
Si l’on me résiste,
Femme, homme, animal,
Je frappe t tout ça m’est égal.
Certes, j’ai l’humeur folâtre,
Et j’aime à m’humaniser ;
Mais parfois je veux me battre,
J’ai besoin de tout briser.

ganachini, à part.

C’est vrai qu’elle est très-casseuse.

violentine.

Oh ! les nerfs ! les nerfs !… (Regardant les gardes qui sont rangés les uns devant les autres.) Qu’est-ce que vous faites-là, imbéciles ?

Elle en pousse un, qui tombe sur celui de devant, et ainsi de suite tous les gardes tombent comme des capucins de carte.
Reprise de l’air.

Flic, flac, (bis)
Dès qu’à l’improviste, etc.

ganachini.

Comment, madame, vous renversez mes gardes du corps !

violentine.

Ils sont gentils vos gardes !… bel uniforme que vous leur avez donné là ! ils ont l’air de mitrons. Quel est ce casque qu’ils ont sur la tête ?

ganachini.

Ma chère amie, c’est un casque à mèches.

violentine.

C’est un bonnet de coton, intrigant !… Que faisiez-vous là avec Bouriquet ?

ganachini.

Nous parlions politique, je lui donnais des ordres… au sujet d’une nouvelle sau… d’une nouvelle société que je veux former.

violentine.

Qu’est-ce que tu tiens là, Bouriquet ?.. une casterolle, j’en étais sûre. Seigneur Ganachini, vous n’êtes qu’un goulu ! (À Bouriquet) Sortez ! ganachini, bas à Bouriquet au moment où il passe près de lui.

Tu iras m’acheter une belle volaille pour mon souper ; tu me la mettras aux petits oignons.

violentine.

Hein !

ganachini.

Rien ; je lui dis de faire attention.

violentine.

Gardes, laissez-nous, j’ai besoin de parler au seigneur Ganachini.

Bouriquet sort d’un côté, les gardes de l’autre.

SCÈNE V.

VIOLENTINE, GANACHINI.
violentine, lui indiquant un siége.

Asseyez-vous.

ganachini.

Volontiers, ma douce amie.

Il s’assied.
violentine, debout.

D’abord, seigneur, je vous dirai que je suis très-mécontente de vous.

ganachini.

Eh ! pourquoi donc, Bibiche ? il me semble cependant que depuis notre hymen je fais ce que je puis pour vous être agréable : j’ai placé toute votre famille à ma cour, j’ai mis tous vos cousins dans ma bouche ; vos oncles, comme pour la douceur ce sont de vrais moutons, je les ai laissés dans mes chambellans ; enfin, votre frère qui avait assez de goût pour ne rien faire, je l’ai attaché à ma personne… j’ai fait…

violentine.

Vous n’avez fait que votre devoir, et bien juste !