peu, rien ne nous empêche de redevenir femmes : c’est plus commode pour causer.
Je suis de votre avis.
Ah ! j’ai craint un moment de ne plus pouvoir redevenir femme… et vraiment c’eût été dommage, car cette forme est toujours la plus jolie.
Pour subjuguer par ses atours,
Par ses attraits, par ses discours,
Pour les plaisirs, pour les amours,
En femme il faut rester toujours.
Par mon art à la ronde,
Captivant tous les yeux,
Moi, je suis dans le monde
Ce qu’on aime le mieux ;
Tantôt d’un air novice
J’enflamme les amans,
Et puis avec malice
Je ris de leurs tourmens.
Pour subjuguer, etc.
En Europe, en Asie,
On s’émeut à ma voix ;
D’une femme jolie
Partout on suit les lois.
Restons ce que nous sommes,
Car cette forme-là,
Ma sœur, aux yeux des hommes
Toujours l’emportera.
Pour subjuguer par ses atours, etc.
Oh ! moi, je ne suis pas une coquette comme vous… ce que j’aime avant tout, c’est la constance, les amours sincères… enfin je suis la déesse de la fidélité : aussi, vous et vos pareilles, vous avez conspiré contre moi près de la reine des fées, parce que vous étiez jalouses de me voir occuper la première place après elle.
Oui, mes sœurs et moi nous avons porté plainte à notre reine, et nous lui avons dit : « Pourquoi cette préférence accordée à la fée Colombe ? que fait-elle pour la mériter ?… elle préside aux amours fidèles… belle occupation !… c’est une véritable sinécure… est-ce qu’il y a des amans fidèles ?
Certainement il y en a… et plus que vous ne pensez, méchante langue.
Oui, c’est ce que vous voulez nous faire croire ; mais notre reine, qui ne se paie pas de vos belles paroles, a compris que vous deviez ou redescendre au dernier rang des fées, ou trouver sur terre quelques exemples de cette fidélité fabuleuse à laquelle, pour ma part, je ne crois pas.
Et j’en trouverai, je l’ai promis.
Promettre et tenir… enfin, ma chère, nous vous attendons ; c’était d’abord une douzaine d’amans bien épris qu’on vous demandait ; puis on a réfléchi que ce serait trop exiger… on se contente de vous demander la paire… voilà tout ! un homme et une femme qui s’aiment constamment… pendant une année… une seule !… ce n’est pas trop.
Assurément.
Eh bien ! c’est plus que vous n’en pourrez trouver ; la preuve, c’est que vous cherchez encore.
Parce que toutes les nuits vous détruisez mon travail du jour ! quand j’ai découvert un cœur bien tendre, bien aimant, vous arrivez bien vite lui souffler des pensées de coquetterie… vous ne vous plaisez qu’à faire le mal !
Je ne m’en défends pas ! c’est mon bonheur à moi ! cette nuit j’ai fait enlever trois femmes, séduire cinq filles, et battre plus de cent personnes. Je ne suis pas la fée Chouette pour rien ! je protége les coureurs de nuit, les envieux, les méchans, et surtout les femmes laides, parce que celles-là n’aiment pas le grand jour.
Faire le mal c’est ma folie,
J’ai quelque chose d’un lutin ;
Semer partout la zizanie,
Causer des tourmens, du chagrin,
C’est mon plaisir soir et matin.
Je rends les femmes plus coquettes
Quand ell’s ne le sont pas assez,
Puis je fais les maris… chouettes
Et voilà, et voilà tout ce que je sais ;
Troubler les ménages, les fêtes,
Voilà, voilà tout ce que je sais.
Le joli savoir que vous avez là ! mais je vous assure qu’il y a beaucoup d’hommes fidèles… sans que cela paraisse… Tenez, cette nuit j’étais perchée dans un beau jardin, j’ai vu un homme assis dans un bosquet de roses, près d’une jolie femme, qui n’était pas la sienne, et tout-à-coup il s’est sauvé… parce qu’il avait peur d’en devenir amoureux !
Ah ! mon Dieu ! et dans quel pays avez-vous trouvé cet homme-là ?
C’était un Iroquois.
Vous feriez bien mieux de chercher vos deux amans fidèles.
Soyez donc tranquille, on les trouvera.