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PAQUERETTE.

Dépêche-toi, je t’attends.

FEUILLETÉ

J’ai le cœur plein d’amour,
Et brûlant comme mon four.
Oui, chez moi constamment
C’est tout chaud, c’est tout bouillant.
Il sort

.

SCÈNE XIV.

PAQUERETTE

Être fidèle pour triompher des piéges qu’on veut nous tendre, il me semble que ce n’est pas bien difficile ; apparemment que les dames de la ville ne savent pas ce que c’est un talisman !… (On entend une marche, des fanfares.) Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que c’est que cela ? (Elle va à sa fenêtre.) Quel brillant cortége !… je crois que c’est le seigneur Ganachini et sa famille qui se promènent. Eh ! mais, le cortége approche, on se dirige vers ma chaumière. Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que cela veut dire ?

SCÈNE XV.

PAQUERETTE, GANACHINI, VIOLENTINE, DROMADAIROS, BOURIQUET, Gardes, Suite.
CHOEUR.
Air : Cracovienne. (Final du 1er acte du Débardeur.)

Le prince est en voyage,
Ah ! quel bonheur pour tous !
Sur son passage,
Paysans, rangez-vous !
D’admirer sa personne
Vous avez le loisir,
À tous il donne
Aujourd’hui ce plaisir.

GANACHINI

Comment ! c’est ici que vous me menez ?… mais c’est très-vilain ici… moi qui ai l’habitude des palais, me conduire dans une petite rue borgne, sur un derrière, pour manger de la pâtisserie.

VIOLENTINE.

Taisez-vous, seigneur. (À Paquerette.) Jeune fille, c’est bien vous qu’on nomme Paquerette ?

PAQUERETTE.

Oui, madame.

VIOLENTINE.

Vous ne vous attendiez pas à l’honneur de notre visite ?

PAQUERETTE.

Oh ! non, madame, et certainement si j’avais su… si vous vouliez vous asseoir… c’est que je n’ai que deux escabeaux.

VIOLENTINE.

Je ne suis pas fatiguée ; quand je sors, mes sujets me portent toujours sur leurs épaules.

GANACHINI.

Moi, je suis toujours las… Ah ! bien, puisqu’il n’y a pas de trône ici, je vais m’asseoir sur le lit ; j’y serai plus à l’aise pour attendre les brioches.

Il grimpe sur le lit et s’étend dessus.
VIOLENTINE.

Oui, allez vous coucher, c’est ce que vous pouvez faire de mieux.

PAQUERETTE

Eh bien ! il est sans gêne ce vieux-là, qui se met sur mon lit… Mais qu’est-ce qu’ils viennent donc faire tous chez moi ?

BOURIQUET

Je vas faire comme monseigneur, je vas me reposer moi.

Il s’assied sur un escabeau.
VIOLENTINE.

Avancez, villageoise ; vous êtes loin de vous douter du bonheur qui vous attend.

PAQUERETTE.

Me voici, madame. (À part.) Je suis toute tremblante.

VIOLENTINE.

Apprenez, jeune paysanne, qu’un puissant seigneur a laissé tomber un regard sur vous, qu’il veut vous élever jusqu’à lui, enfin que le prince Dromadairos est épris de vos rustiques attraits.

PAQUERETTE.

Le prince Dromadairos ! qu’est-ce que c’est que ça ?

DROMADAIROS.

C’est mou mou… c’est mouoi, ma bébelle !

PAQUERETTE

Vous ! ah ! quelle horreur !

VIOLENTINE.

Qu’est-ce à dire, paysanne !… et que signifie cette exclamation ?

PAQUERETTE.

Cela signifie, madame, que je trouve que le prince Dromadairos affreux, et que s’il veut de moi, je vous certifie que moi je ne veux pas de lui.

VIOLENTINE.

Impertinente ! c’est ainsi que vous répondez à l’honneur qu’on veut vous faire ?

PAQUERETTE.

D’abord, princesse, j’aime un jeune pâtissier…

VIOLENTINE.

Un pâtissier ! son nom ?

PAQUERETTE.

Feuilleté.

VIOLENTINE

C’est lui ! (Haut.) Et ce jeune fabricant de tourtes vous aime-t-il ?

PAQUERETTE.

Comment ! s’il m’aime !… il doit m’épouser.

VIOLENTINE.

Ça ne prouve rien ; moi qui vous parle, j’ai épousé… mais c’est pas de ça qu’il s’agit ! Mon frère Dromadairos veut faire votre bonheur, comme le seigneur Ganachini a fait le mien ; il