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fidents comprennent ou ne comprennent pas, il importe peu ; il faudra d’une part les convaincre à toutes minutes que l’on a raison et d’autre part, étouffer les méfiances qui seront, non seulement dans leur rôle, dans leur devoir, mais à coup sûr, dans leur goût, car les Représentants en mission ne joueront un rôle véritable que dans la mesure des services qu’ils rendront en dénonçant le général.

Or, un général dénoncé est un général bien malade. Les révolutionnaires sont en train d’aimer beaucoup la légalité en ce moment ; mais, au fond, on leur a toujours connu une propension marquée pour l’emploi des répressions préventives ou du moins sommaires ; salus populi suprevia lex esto, il n’y a rien à répondre, et quand on pense qu’un général à la tête d’une armée, ou commandant une garnison importante devient tout d’un coup suspect à ses deux observateurs, le plus zélé des deux a naturellement toutes les chances du monde de faire honte et peut-être peur à son camarade d’hésitations qui peuvent être jugées dangereuses et, je vous prie, que peut-on faire alors de mieux, dans un cas si délicat, que de mettre le chef militaire inquiétant hors de nuire ? De bonne foi, les moyens importent peu ; c’est le résultat qu’il faut envisager et nous aimons l’énergie, c’est une considération qu’on ne doit pas non plus perdre de vue. Je ne trouve pas que le métier d’un général démocratique soit le plus réjouissant du monde. Il ne l’a pas été, déjà en 70, mais encore là, s’agissait-il de mener la guerre contre l’étranger et bon gré mal gré, le dictateur et ses mandataires étaient pourtant contraints de mettre des limites à leur facilité soupçonneuse. Le sens commun ne permettait pas d’aller trop loin ;