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sur le petit monde et de concentrer plus de sévérités sur les têtes vraiment coupables. Ce que je veux dire ici c’est que des soldats de Spartacus et de ses émules aux soldats de la Commune il y avait un monde de distance.


CHAPITRE XXXV.

Si la force dont disposaient les promoteurs des guerres serviles était bien plus militaire, énergique, redoutable que celle dont on épouvante aujourd’hui la société malade, il faut ajouter que les moyens de résistance ne sont pas non plus les mêmes. À des esclaves révoltés, le plus communément d’origine asiatique, grecque, juive, syrienne, africaine, dace, thrace ou germaine, on n’avait à opposer autre chose que des légions recrutées dans la Gaule, en Espagne, chez les Bataves, sur les Limites décumates, et de la cavalerie légère gétule, et des cuirassiers paphlagoniens, et des frondeurs de la Crète ou des Îles Baléares, mais il n’y avait plus depuis longtemps d’armées nationales et c’étaient des recrutés mercenaires que l’on mettait en face d’insurgés sortis de servitude, servitude contre servitude, des gens disposés à s’entretuer mais qui ne se connaissaient ni par bienfait ni par injure. La population paisible, et César lui-même, avaient, au fond, autant à craindre de l’un que de l’autre, la société rien du tout à en espérer, sauf le salut du maître ; Spartacus vainqueur n’eût valu ni plus ni moins qu’un autre Empereur. Il avait pris et portait les ornements consulaires et la nouvelle couche sociale qu’il menait serait entrée tout droit dans le lit et les sandales de l’ancienne, sans y rien changer, pas même les dieux. Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit aujourd’hui.