Page:De Gobineau - La Troisième République française et ce qu'elle vaut, 1907.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 81 —

passa le jour où les Flaviens entrèrent dans Rome ! Les Victorieux soupant au Palatin et regardant brûler le Capitole ! Leurs soldats poursuivant à travers l’incendie des rues le massacre des quartiers proscrits, tandis que sur d’autres terrasses, où des tables se dressaient chargées de plats et de bouteilles, on applaudissait, on riait, criait, chantait, dansait, jouait des instruments de musique, jettait des fleurs et buvait ! C’étaient là autant d’alliés naturels pour les Spartacus ; mais quand la Commune mit le feu à Paris, on se battait, pourtant on ne riait pas.

Il se voit encore une autre différence. Les esclaves rebelles n’avaient rien de commun avec les échappés de manufactures dont les démocrates composent leurs armées. C’étaient en grande partie des prisonniers de guerre ou fils de prisonniers, des paysans habitués à la vie rude et dure de la campagne, et les bandes de sacripans destinés à payer de leur sang les amusements des jeux publics, en somme des désespérés, plus ou moins rompus au maniement des armes et bien autrement passionnés, mésusés et dangereux que la masse des gens de la nouvelle couche sociale qui sont loin d’être tous des scélérats, ni même des méchantes gens. Dans la Commune même, si le plus grand nombre des chefs supérieurs était pervers jusqu’à la moëlle, beaucoup de subalternes n’étaient que des égarés, capables de faire du mal, mais plutôt par aveuglement que par goût naturel. Quant aux soldats, quant à ce qui suivait en troupeaux de moutons, ils valaient exactement autant et étaient absolument les pareils des soldats de l’autre côté et de la foule des autres partis et les libéraux vainqueurs, lors de la prise de Paris, auraient infiniment mieux fait de s’épargner des violences et des meurtres

Gobineau, La troisième République.
6