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en apportent, parallèlement au denier de Saint-Pierre. Le mouvement politique moderne vit de cotisations. Puis, ils ont les fonds publics sur lesquels ils travaillent ; l’industrie où ils plongent les mains ; les dons volontaires quelquefois magnifiques, les spéculations sur les chemins de fer et tant d’autres ressources. Leur budget est suffisant pour les encourager à mettre la main sur l’autre budget, et puis ils ont la légalité ou, du moins, ils vont l’avoir. J’ai fait remarquer qu’au point de vue du droit ce n’était rien ; au point de vue du prestige pas davantage ; mais il faut être exact : au point de vue de la routine c’est quelque chose et il est vraisemblable que ce quelque chose amènera un résultat propre à étonner et même à décourager beaucoup de monde.

CHAPITRE XXXIII.

La nation française dans son ensemble, citadins et paysans, habitants de Paris et gens de la province, a contracté depuis un temps immémorial l’habitude de considérer le dernier et plus infirme agent de l’administration présentant un papier revêtu des formes cabalistiques d’usage, comme un mandataire du Destin auquel il n’est pas supposable qu’on puisse résister. Le chef de l’État est mis en prison, renvoyé, tué ; cela peut se concevoir sans peine. Mais que l’on dise non, au percepteur, au gendarme, au chef de division d’un ministère, à un directeur général, au ministre qui va tomber tout à l’heure, cela ne se peut. Pendant la guerre allemande, on a vu dans les départements envahis toute la jeunesse se garder d’aller se battre et rien ne lui était plus facile cependant que d’échapper et d’aller retrouver nos troupes.