Page:De Gobineau - La Troisième République française et ce qu'elle vaut, 1907.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 49 —

royale, ni les Torys en l’exaltant parfois au-delà de la vraie mesure, toucher gravement aux libertés publiques ; ils ne virent pas enfin, que sur l’autre rive du détroit, il y avait des hommes de parti dans tous les lieux et des révolutionnaires nulle part.

Cela, ils ne le virent pas le moins du monde ; ils n’en aperçurent absolument rien. Tout au contraire. Mais, avec M. de Voltaire à leur tête, ils furent extrêmement édifiés des modes intellectuelles régnant alors dans les salons et les cafés de Londres. On y prêchait volontiers le déisme, même l’athéisme et le plus absolu débraillé des mœurs ; on déclamait avec force contre tous les genres de tyrannie, et ce qui était assez naturel pour des protestants, on s’y moquait à cœur joie des superstitions catholiques et de l’influence du clergé ; on y était même un peu républicain après boire et les plus larges sentiments de liberté individuelle, de dignité humaine, de compassion pour les autres peuples, universellement et en bloc, reconnus pour des esclaves, par la superbe insulaire, fleurissaient naturellement sur les lèvres et dans les livres de tous les publicistes de ce temps et de ce pays-là.

Les libéraux français n’y regardèrent pas de plus près et déblayant leurs intelligences de toutes considérations à ce contraire ils reconnurent pour mathématiquement évident que de posséder une constitution à l’anglaise était leur besoin le plus pressé et qu’il importait de le satisfaire à tout prix.


CHAPITRE XXII.

Mais, il fallait construire cette constitution de telle sorte qu’il n’y existât pas trace d’une religion nationale ;