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dium. C’est beaucoup, certainement, que de tenir dans sa main un arbre fruitier tout greffé, bien pourvu de racines ; cet arbre est assurément en état de produire plus qu’un bâton ne saurait ; il peut donner des feuilles, des fleurs, des pommes ou des poires ; mais il lui faut un sol convenablement aménagé pour s’implanter, un jardinier pour le soigner, l’arroser, l’écheniller, l’entretenir, faute de quoi il meurt. C’est une loi de nature. Tant que la royauté en France n’est pas pourvue de ce qui peut la faire prospérer, elle vaut ce que vaut la République et la situation des choses ne lui donne rien qui la serve.

La vacuité complète des esprits à son égard se fait apercevoir par un critérium infaillible. Que l’on interroge ou que l’on entende un royaliste parler de ses espérances déçues et de l’état général du pays. Il dit en secouant la tête :

— La cause du mal est dans l’égoïsme. Personne ne songe qu’à ses intérêts ; puis on aime à s’amuser ; puis on a soif d’argent ; puis on veut s’élever au-dessus de ce qu’on est ; puis, on a le dégoût de toute discipline ; puis…

La liste continue et elle est longue. En définitive, le royaliste décrit naïvement l’homme fils d’Adam, tel qu’il a toujours été connu dans la création depuis qu’il s’est fait chasser du paradis. Il a l’air de croire qu’avant la Révolution, l’homme était tout autre chose et beaucoup meilleur ; désintéressé, obéissant aux lois, sans mauvais instincts et comme le disent les bons livres du XVIIe siècle (car on faisait aussi des phrases dans ce temps-là ! ), particulièrement signalé par son ardent amour pour ses rois. Le royaliste qui, généralement et mal-