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a vu les plus grands noms de France porter le sac du simple soldat ; des vieillards marcher dans les régiments à côté des conscrits, des la Rochefoucauld presqu’enfants aller se battre, un Chevreuse se faire tuer, un Luynes en mourir ; Conrad de Champigny tomber les deux jambes emportées, et tant d’autres, et pendant ce temps, les gens de ce qui s’appelle la gauche menaçaient leurs familles et, pour tout secours au pays, criaient et chantaient leurs coquineries ordinaires !

C’est à cause de ce tempérament moral, de ce sentiment souvent indistinct, irraisonné, irréfléchi, irrationnel, si l’on veut d’une obligation permanente pesant sur ce qu’ils trouvent être leur conscience que les royalistes, après tout, et malgré leurs défectuosités, règnent au fond de l’imagination du pays français. Les révolutions n’y font rien. C’est là un sentiment indestructible chez ceux qu’anime une pareille superstition, parce que les causes qui la font naître et qui l’entretiennent sont également indestructibles dans l’âme de ceux qui l’inspirent. Incontestablement c’est une grande chose que de tenir par la chair, le sang, l’esprit à toute l’histoire du pays dont on est, soit que, paysan ou bourgeois, on en ignore le détail, soit que, gentilhomme, on en sache plus long. Un exemple frappant va montrer toute la puissance de cette vérité.


CHAPITRE XVIII.

Ce qui était à Rome l’idée traditionnelle c’était la République. La République avait fait l’État, lui avait donné la force, la jeunesse, la gloire, le triomphe, l’âge mûr et les incommensurables conquêtes rayonnant autour du do-