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crainte prend au cœur les plus irréconciliables ennemis de voir surgir les qualités secrètes de cet inconnu.

Chaque fois que la France, bien fatiguée de ses expériences, bien malade de ses adversités, éprouve le désir sincère de goûter encore une fois de l’ordre et du repos, elle s’adresse en gémissant aux royalistes. Elle en compose le Conseil des Cinq-Cents ; elle en fait la Chambre introuvable ; elle en remplit la Constituante de 1848 ; elle en envoie tant qu’elle peut à Bordeaux. Elle leur demande leur secret et les presse de le dire : il y a dix ans, quinze ans, vingt ans qu’elle les tourne en dérision, qu’elle les injurie, qu’elle les calomnie ; d’un coup, elle oublie tout et veut absolument qu’ils la sauvent d’elle-même, de ses anciens favoris et de l’ennemi armé. Malheureusement, les royalistes viennent et ne savent que répondre ni quel parti prendre. Ils sont, cependant, bien convaincus que le salut est en eux ; leur bonne foi est infiniment plus authentique et de meilleur titre que celle des autres partis ; leurs augures peuvent se regarder sans rire. Pourtant rien ne sort de leurs professions de foi, ni de leurs promesses, et après qu’ils se sont essoufflés pendant plus ou moins longtemps à parler pour ne rien dire, à gesticuler pour ne rien faire, qu’on les nomme ultras ou qu’on les appelle chevaux-légers, ils retombent dans l’éternelle disponibilité dont on leur avait si largement ouvert les sorties. Ils en sortiront toujours, parce qu’ils sont la tradition et la moëlle de la nationalité française. Ils n’existent pas seulement et n’ont pas poussé, champignons indigestes, sur un coin brisé des boulevards de Paris ; ce sont des plantes vivaces ayant racines dans toutes les parties du sol français et que les provinces produisent sans culture. Ils sont parce qu’ils