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difications comme le pays lui-même ; plus que débile sous les premiers Capétiens et mis en échec par le moindre baron, par le Comte de Chartres, par le Comte de Blois, il avait un jour amené les feudataires à compter avec lui ; ensuite il leur avait fait leur part ; puis il la leur avait disputée et rognée et enlevée et prise ; enfin il avait régné, dominé, régenté tout seul. C’était une série de faits patents. Là, pas d’ambages. On était royaliste, cela voulait dire qu’on suivait une tradition matérielle de huit siècles. Le jour où on commença à se dire légitimiste, on sortit du domaine lumineux des réalités, pour entrer dans la nébulosité métaphysique. Qui dit métaphysique provoque la discussion et tout ce qui est discutable est discuté et ce qui est discuté peut être argué de faux. Les royalistes se livrèrent d’eux-mêmes à la griffe discriminatrice des doctrinaires et il n’est pas de pays au monde où cette peste soit aussi répandue et agissante qu’en France. Nulle part, on n’aime autant à bâtir en l’air et en dehors des expériences. C’est là qu’on n’hésite pas à dire : « périssent les colonies plutôt qu’un principe » ! Parce qu’on aime à s’y persuader que les colonies sont faites pour servir de prétexte à la phraséologie des principes et nullement les principes pour contribuer à faire vivre les colonies le mieux possible. Bref, au lieu de tenir leurs pieds bien solidement appuyés sur le terrain du fait qui leur donnait leur raison d’être et leur force, les royalistes comme leurs rivaux, et se mettant ainsi en prise à leurs rivaux, imaginèrent qu’il était mieux, plus philosophique, plus profond, de se mettre à nager au milieu de l’air et ils se jetèrent dans les griffes de ce dilemme :

Les révolutions, dites-vous, sont pernicieuses et il