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qu’elle existe et qui lui laisseront tordre le cou sans sourciller, si quelqu’un se donne le plaisir.

Voilà une position admirable, pour faire compter sur la pérennité d’un système qui est « celui qui nous divise le moins » ; plus admirable encore pour obtenir ce régime merveilleux d’une « république sans républicains considéré comme le plus satisfaisant auquel on puisse prétendre et qui sourit à ce qu’une autre phrase non moins célèbre, non moins approuvée, non moins usuelle que les deux qui précèdent, appelle « le bon sens, cette qualité éminemment française ».

À quel degré d’abaissement moral et intellectuel faut-il qu’un pauvre peuple soit descendu pour se laisser traiter de peuple sensé quand il se voit lui-même, tous les dix ans, une fois, en moyenne, s’arrachant les cheveux et se prodiguant toutes les invectives pour avoir jamais pu se donner et se donner avec acclamations le gouvernement qu’il vient de renverser ! Or, ce gouvernement, tant chéri naguère, le déshonore maintenant, l’avilit et le corrompt, il le crie et le jure aux quatre vents du ciel ! Et, cependant, il a commencé par croire et Dieu sait avec quelle intolérance pour les dissidents ! que la Terreur lui donnait la liberté, le Directoire le repos, l’Empire la solidité, la Restauration la paix, la dynastie de Juillet l’ordre, le second Empire la tranquillité, quant au régime actuel, il faut être juste, il ne lui demande encore qu’une heureuse fin. Mais, à l’en croire, la Terreur a tourne à l’esclavage, le Directoire au vol, l’Empire à la servitude, la Restauration à l’hébètement, par voie de sacristie, la dynastie de Juillet à l’avilissement des esprits par l’amour du lucre, le second Empire à la plus horrible corruption par l’abus de toutes les jouissances et