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il avait eu le même dévouement que la gendarmerie. Il les avait connus hostiles et opposés à l’Empire auquel il avait porté un attachement égal à celui du même corps armé et enfin, ajoutait-il avec amertume, aujourd’hui, ils ne sont pas des républicains et voteront mal dans les élections, c’est-à-dire contre le candidat du préfet. La question se réduit donc à savoir quel sera le préfet et quel sera son candidat.

L’opinion que je cite est pratiquée par la grande majorité des provinciaux : accepter le gouvernement quel qu’il soit, fut-ce le gouvernement de Saint Michel Archange, mais aussi fût-ce celui du plus grand Diable de l’Enfer. L’accepter, cela va sans dire, sans jamais lui faire la moindre opposition, là serait le crime ; mais la faute apparaîtrait si l’on faisait le moindre mouvement pour le soutenir en un jour d’embarras. C’est l’ancienne doctrine du Turc intègre : obéissant sans sourciller à n’importe quel ordre du pacha ; mais, aussi, en voyant passer le cordon de soie qui, avec ou sans cérémonie, va étrangler le même pacha, se bornant à faire des réflexions sur la qualité de la soie. La France se trouve ainsi, en grande majorité, républicaine ; le fait n’est pas douteux, mais avec des républicains de tempérament lymphatique, décidés, tous et chacun, à ne se soucier que de leur avancement et de l’exploitation du pays, avec des républicains zélateurs passionnés des dictatures et ennemis acharnés les uns des autres à propos de ce que chacune de ces dictatures doit faire et produire, avec des républicains dont l’unique préoccupation est d’empêcher d’entrer tel gouvernement qui leur est, de nature, antipathique mais prêts à accepter les autres ; avec des républicains qui ne se trouvent tels que parce que la République leur assure