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côtés vicieux ou bien, par l’épuisement, l’insuffisance ou la rareté des hommes qu’il emploie il se rend la marche impossible.

Mais c’est là ce que la plupart des gens ne tiennent en aucune considération. C’est pourquoi tel légitimiste se fait républicain, plutôt que d’admettre les hommes de 1830, le libéral de cette dernière époque se dit républicain parce qu’il ne veut pas de l’Empire ; l’impérialiste désabusé ne voulant ni de la légitimité ni de la Branche d’Orléans, se fait républicain à son tour.

Ces zélateurs d’une croyance de pis-aller ont un symbole de leur foi uniquement composé de négations. Ils veulent la République, qu’ils ne veulent pas parce qu’ils ne veulent pas ceci et ne veulent pas cela. Ils soutiennent telle loi ou telle mesure républicaine ou soi-disant telle, en la déclarant détestable en soi, mais bonne par ce fait qu’elle fait échec à telle prétention ou à telle espérance de l’autre faction ; ils donnent la main au centre gauche, à la gauche républicaine, à l’extrême gauche, ils la donneraient au besoin à M. Raoul Rigault s’il vivait encore, parce qu’en agissant de la sorte, ils se figurent avec la plus intense satisfaction, le dépit et, s’il plaît au ciel, le désespoir des partisans de ce qu’ils repoussent.

Ce sont là des républicains quinteux, nécessairement inconséquents qui déserteraient en masse si l’ombre de leur ancienne église donnait signe de vie ou si seulement leur mauvaise humeur se tempérait. Ce qui s’est vu. Ce sont des déserteurs nés ; mais à tout prendre, et dans la pénurie évidente de républicains, ce sont encore des républicains, si on veut s’en contenter. Sans doute, encore une fois, ils feraient effort contre leur mariage de raison si l’ancienne passion retrouvait quelque chance d’un triomphe