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CHAPITRE IX.

Il faut pourtant avouer que les partisans des théories radicales, c’est-à-dire les hommes parlant au nom des classes ouvrières, professent en somme des idées plus politiques que les praticiens dont il vient d’être question tout à l’heure. Ils imaginent pour l’homme un certain cercle d’activité collective et conçoivent une notion exacte d’un certain mode de société, ce que les autres ne sont pas capables de faire.

Ils suppriment dans une mesure quelconque mais toujours extrêmement large la propriété individuelle ; mais ils en conservent les applications et les avantages pour la totalité des créatures ; on ne pourra, sous leur conduite, espérer, vouloir et agir que dans un cercle assez restreint ; mais on sera vêtu, nourri et logé sans rémission ; la grande masse des hommes sera garrottée et de près dans un mode de félicité implacable et d’une nature des plus humbles ; mais, au moins, ce qui vous sera donné on le tiendra, et on aura probablement tout ce qui vous aura été promis, car ce ne sera pas grand’chose. Malgré ces bénéfices, deux points sont effrayants : l’autorité écrasante des bergers, leur irresponsabilité vis-à-vis de leurs ouailles, le caractère quasi divin que ces nourrisseurs perpétuels ne manqueront pas très promptement de revêtir ; le luxe, la splendeur hiératiques dont ces illustres et sublimes personnages ne manqueront pas d’entourer, de rehausser, de signaler très vite leurs rôles augustes. On dira en s’agenouillant : le sacrosaint inspecteur et le divin délégué. Voilà de quoi faire réfléchir. Ce qui est également délicat à admettre, c’est le complet hébétement où l’humanité, bourrée de pommes de