CHAPITRE VII.
C’est une des singularités les plus fâcheuses de la
société française actuelle : tout y a tourné à l’emploi et
les emplois y ont tourné au métier. On n’est plus savant
pour savoir ou enseigner ; artiste pour produire, médecin
pour soigner ; on est tout cela pour parvenir à tenir un
rang dans une hiérarchie ; on veut s’incarner dans une
nature de fonctionnaire. On prétend à l’ancienneté, on
aspire à la faveur, parce qu’on n’est pas heureux à moins
que de devenir membre d’un corps officiel quelconque ;
on ambitionne une place dans une commission n’importe
laquelle (il en existe pour tout au monde), on rêve un
avancement analogue à l’avancement administratif, et
comme pour obtenir tout avancement il est besoin, indispensablement
besoin de s’emparer d’une part de la bienveillance
de ceux qui en disposent, que faire du mérite ?
Chacun reste bien convaincu que le savoir-faire vaut mille
fois plus que le savoir. Dans de telles voies, pourquoi
effaroucher par l’imprévu ou l’indépendance des idées et
de la conduite ? Mieux vaut plaire par le convenu des
aperçus et des intentions ; le succès est à ce prix. Il convient
de cheminer derrière ceux qu’on a intérêt à se donner
pour maîtres ; on devient modeste, peu bruyant, peu prétentieux,
on se venge par une vanité folle — faible général
des mandarins ; et tout ceci explique comment, en procédant
de la sorte, la France en est réduite à cette heure
à ne plus avoir ni philosophie, ni littérature, ni idées dans
ses œuvres d’art, et à s’en aller descendant tous les degrés
qui conduisent à la plus humiliante puérilité, stérilité et
nullité intellectuelles. Mais, peu importe ; par ce système,