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nière. Tous les États qui l’ont pratiquée, ont reconnu vite ses inconvénients, mais aussi ses avantages, et il faut croire que les derniers sont d’importance, car parmi ces États, ceux qui ne s’étendaient pas sur un trop grand espace aréal, soit cantons suisses, villes libres impériales, ou autres entités politiques du même genre, l’ont conservée avec le plus grand soin et ne s’en sont jamais volontairement dépouillé, ni Venise, ni Florence, ni Lucques, ni Sienne, ni, dans le passé, Athènes, Cyrène ou Milet ; seulement, pour que l’opinion publique se montre si constante, si affectionnée à un tel régime, il faut absolument qu’elle soit notablement homogène, ce qui disparaît aussitôt qu’elle émane de trop de têtes différentes. La Hollande fut déjà subdivisée en trop d’intérêts divergents ; Venise n’échappa à l’écueil que par le fait d’être passé promptement d’une aristocratie déjà étroite à une oligarchie plus étroite encore. Les cantons suisses ont vécu subdivisés, ne se nourrissant au physique et au moral que de laitages ; s’ils arrivaient jamais, devenus plus compliqués, dans leurs différents genres de nourriture, à concentrer au-delà d’une certaine limite leur forme fédérative, on peut craindre qu’ils n’aboutissent à un despotisme démocratique, et quant aux États-Unis, ces anciens prototypes un peu démodés de la sagesse politique des temps modernes, les voilà sous la main noueuse du mob en attendant de nouvelles guerres civiles et la solution de la difficulté en dictature.

L’Angleterre, une fois dans sa vie, a paru vouloir goûter du pouvoir électif et partant de la forme républicaine. Ce fait s’est produit au xviie siècle et Cromwell en a été l’expression. Si l’on en considère les causes, on n’y trouve rien qui fasse déshonneur à la judiciaire