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Il faut donc laisser la poule à ses jeunes coqs. Eux seuls la suivront fidèlement, resteront avec elle, et, avec elle, feront basse-cour. Qu’est-ce que c’est qu’une basse-cour ? Un lieu assez malpropre, où les coqs se battent à perpétuité, et battent les poules. La République est tout de même, et pour y avoir la paix, il faut périodiquement couper la gorge aux coqs, sans quoi on n’en vient pas à bout, et, encore, si la République reste démocratique l’ayant toujours été ou le devient ayant commencé par l’aristocratie, certainement, évidemment, la dictature arrive à la fin et s’établit à demeure. Heureux les Pays-Bas hollandais et flamands qui ont fini par un Stathouder ! Et bien misérables les territoires comme la France peuplés et surpeuplés de populace ! Ceux-là sont menacés de passer aux mains de la puissance tribunitienne, c’est-à-dire de ce que le despotisme peut inventer de plus vil, de plus lâche et de plus complètement brutal sous prétexte de nourrir et d’amuser les foules !

Quand la République, la vraie, arrive au pouvoir, non pas ici ou là, non pas dans l’histoire, mais dans la réalité réelle, c’est à savoir en France, en 93, en 48, en 71, on a expérimenté ce qu’elle fait et appris ce qu’elle veut faire. Les résultats parlent et il n’y a pas à théoriser. Elle cherche du moins mal possible à contenir, à pacifier, à faire taire les têtes de sa bête ; les chefs se gorgent tant qu’ils peuvent d’arbitraire et de petits soupers ; jaloux, ils se culbutent ; en 93, ils se guillotinent ; en 48, ils savent trop l’histoire et personne n’ose commencer ; en 71, ils la savent moins, ils ont plus de passion ; la démangeaison les tient d’essayer ; on ne leur en laisse pas le temps, ils se contentent d’assassiner à côté, mais quelques jours de plus, ils entraient dans la vraie tradition et se tuaient con-