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CHAPITRE XLVIII.


D’autre part, à la vérité, elle n’aurait pas éprouvé les inconvénients qui amenèrent le traité de Madrid, les calamités du règne de Louis XIV et trois occupations de son territoire. Tout se paye et se paye si bien et si cher que les poignants désastres, les catastrophes inouïes dont il est ici question, semblent encore peu de chose en face du mal suprême causé par la centralisation et qu’on n’avait jamais pu soupçonner jusqu’à ces derniers temps : la domination effrénée des majorités. Car, désormais, le mal est là et le virus montre toute sa malignité dans cet horrible bubon. Quoi ! une société entière qui dépend de la façon la plus absolue de ce qu’ordonne d’elle une masse, un conglomérat indigeste de volontés indéfinies et essentiellement variables ! Elle est tombée, pour cette cause, à ce point de faiblesse et d’inconsistance qu’elle est hors d’état non seulement de se donner mais surtout de se conserver un gouvernement quel qu’il soit ! Elle peut passer d’une semaine à l’autre aux révolutions les plus diamétralement contraires, elle l’a fait, elle est prête à le refaire ! Dira-t-on que lorsque le gouvernement démocratique sera tombé, quand les royalistes auront renoncé à entrer en lice, quand un chef militaire se sera reconnu impuissant, il faudra revenir à la dynastie Napoléonienne ? On peut le dire, on peut même l’essayer et obtenir sans peine les plébiscites les plus concluants. Mais le lendemain du jour où le quatrième souverain du nom aura pris possession du pouvoir, il s’apercevra qu’il est en même temps entré en jouissance des causes de ruine mortelles pour tous ses prédécesseurs. Il montera et il tombera ;