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1815, offrent cette anomalie que dans une époque aussi ardente à décrier ceux qui la dominent, aucun n’a été dépourvu ni de bonne volonté, ni de préférence pour le bien et, autant que possible, pour le mieux.

Louis XVIII datait précisément de l’âge où le libéralisme venait de naître. On en avait peu essayé. Ses procédés avaient à la vérité conduit la famille royale à l’échafaud et rendu la monarchie impossible, mais on était encore en droit de ne pas s’apercevoir de tout ce qu’il y a de faux, de stérile et de perfidement mensonger dans cet étalage de théories inapplicables. En 1814, le Roi était fondé à n’en voir que le côté éternellement séduisant, la façon de faire des avances à tous les camps, et les apparences de modération. Ce fut avec conviction que le Roi adopta et donna la Charte, avec bonheur qu’il inaugura le système, avec étonnement qu’il vit naître les méfiances des royalistes et les méfiances des jacobins et qu’il s’aperçut que rien ne marchait. Mais, il trouva de suite et on lui mit perpétuellement sous la main les moyens du jeu, car il ne faut pas y regarder bien longtemps pour s’apercevoir que c’est d’un jeu d’échecs qu’il s’agit. Tel pion ne convient pas ? on en joue un autre. Celui-ci ne couvre plus la combinaison ? On a recours à un troisième et ainsi de suite. Au café de la Régence, il n’y a pas grand mal ; quand on a joué un plus ou moins grand nombre de parties sur un seul échiquier ou sur plusieurs à la fois, en regardant ou le dos tourné, on est un fort grand homme, on a prouvé une habileté rare, on a perdu son temps et on n’a rien produit qui vaille ; mais c’est amusant.

Dans un palais législatif, on joue de même. Un