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sainteté et on eût revendu des vertus austères à l’homme d’Utique.

Mais d’où pouvait provenir, qu’une nation, en définitive, si facile à remettre dans le bon chemin, en fût jamais sortie ? Il n’y avait qu’une voix là-dessus : c’était la faute de l’Empire ! Il avait corrompu cette multitude de belles natures et inoculé dans des âmes trop tendres le venin morbide. Sans lui, la nation eût été toute autre.

Faut-il l’avouer ? l’Empire s’était plaint de son côté, pendant les jours de son existence, que c’était la nation qui le corrompait et qui faute de vertus civiques d’aucun genre, lui rendait la marche difficile. Lors du traité de Paris, dans une occasion où il fut manifeste que les représentants français ne connaissaient pas le premier mot des questions traitées, l’Empereur s’en ouvrit avec amertume à des étrangers et déplora son impuissance à corriger le seul personnel qu’il eût à sa disposition. Le goût du plaisir était assurément général dans toutes les classes, il domptait les imaginations ; il vidait toutes les bourses. Il fallait les remplir ; on les remplissait comme on pouvait. De là des scandales. Mais ces scandales, ne s’étaient-ils jamais manifestés dans les temps antérieurs ? On prétendait pourtant, à ces époques-là, en avoir à revendre dans le public, à la Bourse, sur les boulevards, dans les salons, à la cour même et les mêmes jérémiades éjaculées contre la perversité impériale, on les avait ouïes, dans toute leur éloquence, à propos de la dépravation bourgeoise du régime de 1830. Si, dans cent ans d’ici, on veut se renseigner sur cette dernière période, quoi de plus saisissant que les peintures du grand romancier d’alors et de plus repoussant que telles de ses analyses, par exemple le Cousin Pons et la Cousine Bette ?

Gobineau, La troisième République.
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